Rapport sur l’open content en France 2022
Par bénéfices, nous considérons ici l’ensemble des apports directs et indirects mais aussi les principaux impacts observés suite à la mise en place de politiques d’open content par les institutions culturelles.
L’ensemble des informations contenus dans cet article sont issues du « Rapport sur l’open content dans les institutions culturelles en France – État des lieux des pratiques numériques et d’ouverture de contenus ».
Les impacts des démarches d’open content
Le rapport s’interroge sur les différents impacts des démarches open content. Il existe une attente forte de la part des directions des retombées de l’open content sur l’audience de leurs institutions. Pour les directions de musées en particulier, cette démarche doit être mise au service de la stratégie d’attractivité de l’établissement pour le public.
Au-delà de ces tendances quantitatives, les démarches open content peuvent constituer un appui aux pratiques de diffusion et de mise en valeur des œuvres et des images des œuvres par les professionnels de ces institutions.
« Comment rendre ça plus intéressant et interactif que simplement mettre une borne de consultation où on pourrait aller consulter la base des collections comme on le ferait sur son PC ou son smartphone, donc c’est trouver et inventer des usages un petit peu originaux, interactifs de cette base des collections. L’open content est le noyau, la base qui apporte les données sur lesquelles ensuite tous les usages vont pouvoir être déclinés » (Entretien avec un directeur de musée)
Une simplification de la gestion des demandes d’images par le public
L’adoption de licences de libre peut conduire à une simplification des tâches de gestions des demandes par le public en éliminant les activités liées à la vérification des droits applicables sur les images, à l’extraction du fichier, à l’envoi au demandeur, etc. lorsqu’une demande est formulée. L’ensemble de ces tâches administratives deviennent en effet obsolètes dans le cas où les images sont directement réutilisables à partir des fichiers mis en ligne par l’institution, comme l’explique précisément un chargé de mission dans un musée de petite taille.
« Quand on me demandait une image avant ça me demandait 2h de boulot, c’est-à-dire je traite la demande, j’archive la demande, je fais un suivi de la demande, je mets une image HD en ligne que j’ai cherché avant, et avec des outils pas super adaptés pour traiter ce genre de trucs. Je fais une fiche d’inventaire, un courrier plus une cession de droits, tout ça. (…). Actuellement on reçoit une demande d’image, je fais un lien vers une image HD là où elle est sur Wikimédia Commons qu’on utilise actuellement, dans le corps du mail je mets ‘merci de mettre ses mentions là avec l’image et voilà’, ça me prend 5 min. En termes de gain professionnel c’est super. Toutes les demandes d’images qu’on ne voie pas passer c’est un gain professionnel aussi. » (Entretien avec un chargé de mission dans un musée)
Les gains de temps peuvent également être réalisés dans les cas où aucune demande du public n’est formulée, dans la mesure où les images sont directement accessibles en ligne. Il faut souligner que la simplification de ces activités est particulièrement appréciée dans le cadre d’institutions disposant de peu de moyens humains, et dans lesquels les professionnel∙les occupent souvent diverses fonctions. Ce gain de temps leur permet alors de se consacrer à d’autres activités, certain∙es professionnel∙les évoquant « un effet levier » pour développer d’autres projets plus en lien avec leur cœur de métier.
Cet effet de simplification peut conduire indirectement à améliorer les relations avec les publics demandeurs d’images (qu’ils soient issus du grand public, chercheurs ou artistes). Comme l’explique une cheffe de service en bibliothèques, le fait de sortir d’une logique de contrôle vers une logique d’accès rend beaucoup plus satisfaisantes les interactions avec les demandeurs d’images.
« Cela conduit à une extrême simplification du travail, le travail est beaucoup plus agréable avec les utilisateurs, c’est plus agréable de dire qu’ils peuvent tout prendre. On a parfois des regards surpris voire enthousiastes. (…) Ça nous a permis de faire tout un tas de projets sans que cette question-là [des droits de réutilisation] viennent freiner sa mise en place. Il n’y a plus de questions à se poser. L’apport c’est qu’on a plus à poser de questions, et c’est beaucoup plus facile de travailler dans ces conditions-là. » (Entretien avec une cheffe de service dans une bibliothèque)
Une facilitation de réutilisations académiques et artistiques fondées sur les collections ouvertes
Les démarches open content peuvent faciliter la mise en place de projets scientifiques et artistiques. Si l’open content a d’abord intéressé les communautés du libre, l’intérêt qui lui est porté par le monde académique est croissant et de nombreuses réflexions sont menées sur le sujet pour dépasser les entraves classiques (grilles de tarification) qui peuvent freiner les travaux des étudiants et des chercheurs. Dans ce cadre la possibilité de réutiliser des images de manière libre et gratuite devient une source d’intérêt fort pour le milieu académique souhaitant approfondir ses travaux. De même, les démarches open content accompagnent et constituent de nouvelles ressources pour monter des projets avec des artistes sur les territoires.
Comme l’a souligné le rapport de l’INHA, les chercheurs, professionnel∙les de la culture et artistes sont confrontés lorsqu’ils souhaitent mobiliser des images dans leurs pratiques quotidiennes à un « labyrinthe » : le paysage législatif dans lequel ils évoluent est confus, avec des modalités d’accès aux images souvent opaques. Ces contraintes conduisent souvent à des contournements et entravent de nombreux projets artistiques ou académiques.
Plusieurs professionnel∙les ont partagé lors de l’élaboration du rapport, le constat d’entraves à la réutilisation des images par les chercheurs, qui préexistaient avant que l’évolution de la politique de gestion des images vers l’open content dans leurs institutions ne change la donne. Comme en témoigne cette cheffe de service dans une bibliothèque, l’existence de grilles de tarification pour la réutilisation d’images posait le risque d’entraver des travaux de certains étudiants ou chercheurs.
« [avant le passage à l’open content], on avait une grille tarifaire et un gain financier ridicule. On obtenait aucun gain financier et on entravait des réutilisations très légitimes ou utiles de chercheurs ou d’auteurs désargentés. » (Entretien avec une cheffe de service dans une bibliothèque)
Au-delà de ces réutilisations, les institutions témoignent d’un intérêt croissant pour des réutilisations créatives réalisées à partir de leurs collections. Toutefois si plusieurs exemples sont mentionnés, ces usages restent difficiles à quantifier.
La facilitation de la réutilisation des images des collections dans un but de recherche académique ne répond pas simplement à un enjeu déontologique de service public. Cette possibilité fait également écho aux aspirations du développement de la portée scientifique des collections et des connaissances qui sont produites à partir d’elles, qui peuvent venir nourrir en retour l’institution. A l’image des propos rapportés de ce chargé de mission dans un musée, on peut voir comment l’ouverture des collections peut générer des travaux d’étude qui dépassent le cadre du musée et qui peuvent en retour générer une connaissance plus importante, utile à l’établissement.
« Gérer une collection certes c’est l’étudier mais finalement moi la capacité que j’ai à étudier une collection tout seul dans mon coin ou avec un pool réservé de chercheurs qui gravitent autour du musée, c’est limité. Donc ma posture c’est que la collection, plus elle est vue, plus elle est connue, plus elle est diffusée, plus elle est étudiée, plus elle est connue et on génère de la connaissance. » (Entretien avec un chargé de mission dans un Musée)
Le fait de rendre plus accessibles et réutilisables les collections grâce à l’open content est ainsi largement perçu par ces professionnel∙les comme un moyen d’accroitre la diffusion de leur patrimoine et les possibilités de travaux scientifiques réalisés à partir de celui-ci.
Un support pour développer les activités de médiations culturelles
Enfin, l’open content contribue au renforcement du lien avec les publics, comme en témoigne les tendances à l’augmentation de la fréquentation en ligne en lien avec les œuvres versées ou les activités de création collaboratives rendues possibles.
Au-delà des effets de simplification sur la gestion des envois d’images aux utilisateurs et utilisatrices, l’étude montre que l’entrée des institutions dans l’open content constitue également un soutien fort aux activités de médiations culturelles.
Dans le cas d’institutions culturelles qui ont des partenariats avec l’Education nationale, tels que plusieurs musées avec qui nous avons échangé, le fait de pouvoir utiliser « sans se poser de questions » des images issues des collections pour animer des ateliers d’éducation artistique et culturelle est particulièrement valorisé. De la même manière que dans la partie précédente, l’open content conduit à une forme de simplification des activités réalisées avec les publics dans l’enceinte des établissements.
Certaines institutions culturelles soulignent également l’opportunité de pouvoir davantage partager des savoirs avec les publics, en relation avec les droits de la propriété intellectuelle et les licences libres. Pour certain∙es professionnel∙les, l’open content permet indirectement de sensibiliser les internautes aux conditions adéquates de réutilisation des images (mention de la licence, du nom de l’auteur et de l’œuvre, etc.).
Plus globalement, il semble y avoir un consensus parmi les professionnel∙les sur l’idée que le développement de l’open content peut faciliter la mise en œuvre de projets plus participatifs pour le grand public. Un chargé de collections dans un musée explique comment dans le cadre de l’évènement Muséomix, le fait de disposer de données et contenus librement réutilisables est une condition essentielle pour pouvoir rendre possible les activités de cocréation par le public.
« Quand on a fait Muséomix on s’est réuni, et on s’est dit on imagine de reconstruire le musée en trois jours quelle figure il aurait ? Dans Muséomix on s’aperçoit que le fait d’avoir des données libres c’est super important, chaque fois qu’on fait un truc on n’a pas besoin d’aller demander l’autorisation de qui a fait la photo, etc. Dans ce cadre-là de cocréation, d’usage démocratique du patrimoine, l’ouverture des données c’est un outil quasiment indispensable. » (Entretien avec un chargé de mission dans un musée)
De ce point de vue, il faut noter que le développement de l’open content ne constitue pas seulement un ajustement technologique qui facilite ou reproduit des activités de médiation : il permet également de développer de nouvelles modalités de médiation qui mobilisent la participation du public.
De nombreuses formes de réutilisations demeurent cependant encore difficiles à estimer, dans la mesure où, au-delà d’éléments de bilans, peu d’études ont encore exploré ces usages. Dans l’ensemble, si les institutions culturelles sont capables de tirer des bilans concernant le nombre de téléchargement des images, elles ignorent très souvent les usages et conditions du réusage de ces images. Les entretiens réalisés ont souligné davantage l’impact sur la couverture médiatique pour l’institution engendrée par ce type d’initiatives.
Comme l’ont montré déjà certains travaux, il est très probable que le développement de l’open content conduise à une valorisation des professionnel∙les, en leur permettant de se dédier à des activités qui offrent une meilleure reconnaissance et en développant de nouveaux savoirs-faires.
Le débat autour de la valeur et de l’utilité de l’open data et de l’open content interroge donc le cœur et le modèle de fonctionnement de ces institutions : sont-elles seulement détentrices des œuvres, ou bien doivent-elles davantage œuvrer en tant que passeurs ?
Un intérêt croissant de la part des institutions culturelles pour la réutilisation créative
Parmi les musées qui développent des démarches open content, il existe un intérêt marqué pour que les reproductions des collections, rendues librement diffusables et réutilisables puissent devenir des matières d’inspiration pour d’autres acteurs culturels et artistiques, pour des artistes.
Pour développer ce type de dynamiques, les institutions culturelles peuvent être amenées à développer des programmations évènementielles pour faire connaitre les œuvres à des artistes et des créateurs, comme l’explique des professionnel∙les d’un musée. Plusieurs témoignages concourent à souligner l’importance d’investir dans la communication et l’évènementiel pour faire connaitre la politique de libération des images de l’institution et les champs des possibles qu’elle peut générer pour des artistes et le grand public.
« Depuis 2017, on a une logique de création d’évènements plus créatifs, avec l’invitation d’artistes pour explorer cette matière et en faire des réalisations pour inspirer le grand public. » (Entretien avec une cheffe de service d’un musée)
« Et puis on voit que l’enjeu pour certains musées, c’est au contraire de construire des relations avec des créateurs, des producteurs de contenus. Il y a un enjeu de déclencher la créativité à partir des collections. (…). Il faudrait peut-être faire aussi des liens avec les développeurs de jeux vidéo. Il y a des univers qui sont créés. C’est comme dans les films. La question pour nous c’est d’être présents dans les productions, c’est exister dans des univers dans lesquels on n’est pas producteurs. » (Entretien avec un directeur d’un musée)
Comme le montre le dernier extrait d’entretien avec un directeur de musée, l’enjeu de ces démarches est non seulement de donner envie à des créateurs ou des artistes de s’appuyer sur les reproductions des œuvres existantes pour nourrir leurs travaux mais également de faire exister le musée en dehors de ses murs, à travers des productions culturelles diverses (arts graphiques, cinéma, jeux-vidéos).
Des réutilisations créatives qui peuvent valoriser les fonds des collections des musées
Comme l’a montré le rapport de l’INHA de nombreuses réutilisations artistiques et scientifiques sont rendues possibles grâce à l’open content et la possibilité offerte de réutilisation libres et gratuites d’images des collections. Ces réutilisations peuvent être sources d’inspiration (comme modèle ou copie), ou prendre la forme de détournement (via des memes ou des GIFs), d’affichage dans l’espace public, etc. Les possibilités sont très diverses et offre avec les outils numériques, une palette d’usages créatifs possibles à partir des images libérées.
L’étude montre que les institutions qui s’inscrivent dans des démarches open content ont pu témoigner d’une augmentation des réutilisations des œuvres de leurs collections de la part d’artistes et de créateurs. Il s’agit principalement de ré-usage d’inspiration, dans lesquels les fonds ont servi de support à la conception de nouvelles œuvres.
« Il y a eu beaucoup de films documentaires, des jeux en ligne, aussi des artisans qui viennent voir le fond. Il y a un ré-usage d’inspiration mais il peut y avoir d’autres dans d’autres types de métiers. Il peut y avoir parfois un petit regret de pas en connaitre [la totalité]. » (Entretien avec un chargée de mission d’un musée)
« Nous avons un certain nombre de personnes qui ont utilisé nos œuvres dans des projets de décoration. Nous avons aussi un projet émanant du Japon, puisque la société Fuji nous a contacté pour tester des encres d’impression en reliefs. » (Entretien avec un chef de service de musée)
A titre d’exemple, au-delà des photographies des œuvres présentes versées sur Wikimedia Commons, le musée Saint-Raymond de Toulouse a également mené une campagne de numérisation 3D de plusieurs bustes, diffusés sur Skecthfab et sur la plateforme My Mini Factory, sous licence CC-BY-SA. Ces modélisations 3D ont pu nourrir le travail d’artistes, à l’instar d’Alice Martin qui a réutilisé le buste de Trajan pour son œuvre Trajan’s Thermae.
Il est intéressant de souligner que ces réalisations peuvent amener à des relations avec de nouveaux partenaires. Dans ces configurations, les créations issues des collections peuvent ainsi être sources d’innovation dans la mesure où elles vont aboutir à de nouveaux services proposés aux publics. La facilitation de la réutilisation artistique ou créative génère non seulement une source d’inspiration importante pour des artistes et créateurs mais elle permet aussi en retour aux institutions culturelles de tisser des liens avec de nouveaux partenaires pour valoriser les fonds de leurs collections.
Une augmentation de l’audience en ligne (et plus de visiteurs in situ ?)
L’audience généré par l’entrée dans une démarche open content est une attente forte de la part des directions. Les entretiens réalisés permettent de souligner comment la diffusion d’images réutilisables sans entrave participe à la mise en visibilité des institutions culturelles mais ne permet pas cependant de conclure à des effets directs sur la fréquentation in situ des musées, archives et bibliothèques.
Pour les directions de musées en particulier, cette démarche doit être mise au service de la stratégie d’attractivité de l’établissement pour le public. A l’image de l’extrait suivant, la mise en ligne de contenus réutilisables librement n’est pas perçue comme une fin en soi mais comme un instrument possible pour accroitre la fréquentation par le public.
« Pour nous, et c’est un point important, c’est que la mise en ligne permette de faire venir du public : dans un musée réel, c’est la confrontation à un objet réel, et qu’ils décident de venir dans le musée. » (Entretien avec un directeur de musée)
Cette attente peut également être exprimée par les tutelles, comme cela a été le cas par la Ville de Paris lorsque Paris Musées développait le lancement du chantier open content. Pour autant, il demeure très difficile à ce jour de pouvoir mesurer des effets directs de ce type de démarches sur le nombre de visites enregistrées par l’établissement.
Les entretiens réalisés ont souligné davantage l’impact sur la couverture médiatique pour l’institution engendrée par ce type d’initiatives. Le lancement d’une démarche open content est en effet souvent accompagné de plusieurs articles en ligne et relayées par des sites internet proche du mouvement OpenGLAM.
Les impacts directs sont donc plus perceptibles sur les activités des publics en ligne. Comme en témoigne l’exemple des Archives Nationales, c’est surtout l’augmentation de la fréquentation par les internautes qui est particulièrement notable lorsqu’une démarche open content est engagée et relayée par des plateformes extérieures comme Wikimédia Commons. D’autres institutions relèvent également un impact sur les interactions sur les réseaux sociaux, à l’instar de ce qu’explique ce médiateur culturel dans un musée :
« Cela rajoute de la fluidité pour l’usage des réseaux sociaux, il y a moins le coté demande d’autorisation et autres. On le voit bien là on faisait les chiffres cette année, depuis qu’on a l’ouverture du portail des collections, les réseaux sociaux préexistaient mais là ça a été exponentiel, ça les a fortement alimentés. On s’est intéressé à Instagram, en une année on a pris 64% d’augmentation [de fréquentation] » (Entretien avec un chef de service dans un musée)
Les Archives nationales témoignent d’une forte augmentation de leur audience en ligne à la suite de leurs versements sur Wikimédia Commons. Concernant par exemple les 335 images issues du « Projet Cathédrales », 2,06 millions de vues sont comptabilisées en 2020 et sont en augmentation par rapport aux années précédentes.
Cette augmentation de visibilité des images de l’institution se traduit également par une augmentation de la fréquentation du site internet des archives. Les versements sur Wikimédia Commons permettent à des internautes d’être orientés vers ce site, alors qu’ils ne l’auraient pas nécessairement consulté par d’autre biais.
Au-delà de l’enjeu autour l’audience seule générée par la transition vers l’open content, les institutions culturelles souhaitent ainsi pouvoir davantage développer les interactions avec les internautes. Le constat que la logique de mise en ligne de documents doit être dépassée pour aller vers une logique plus poussée de facilitation de la réutilisation par les internautes est ainsi souvent exprimée par les professionnel∙les sollicité⋅e⋅s pour cette étude.
« En termes d’interaction l’objectif c’est aussi d’inciter, de faire évoluer les interactions de manière de plus en plus importante et donc pour ça l’idée c’est évidemment de créer l’évènement sur le musée numérique en proposant ce que j’évoquais des sondages etc. en renouvelant les contenus, les expos thématiques par exemple. » (Entretien avec un directeur de musée)
« La limite de notre outil c’est que ça met à disposition mais peu d’interactions possible avec les internautes (à part des commentaires sur chaque notice). Mais ça serait bien qu’on puisse déposer des réutilisations de la collections, avoir un outil permettant une relation plus fluide avec les internautes. » (Entretiens avec des professionnels d’un musée)
Le développement de la participation de leurs publics
L’enquête quantitative proposée par Wikimédia France et réalisée par l’Agence Phare montre un lien significatif entre les institutions qui ont libéré leurs contenus et celles qui font le choix d’engager davantage leurs publics par des activités de crowdsourcing. En effet, parmi les institutions culturelles qui utilisent des licences libres pour mettre à disposition des images, 50% déclarent réaliser des ateliers de créations collaboratives en leur sein contre 29% pour les autres institutions. L’open content représente ainsi bien souvent un préambule à la mise en place d’activités de crowdsourcing.
Ce renouvellement de la relation entre individus et professionnel∙les de l’institution culturelle constitue un défi qui s’accompagne d’une réappropriation des pratiques culturelles. Cette pratique vise à impliquer davantage les publics afin de leur permettre une meilleure réception et appropriation des œuvres. Ces activités visent donc à dépasser une forme de « passivité » des visiteurs des institutions culturelles qui contempleraient juste une œuvre comme l’illustrent les propos d’un professionnel.
« Comment rendre ça plus intéressante et interactif que simplement mettre une borne de consultation où on pourrait aller consulter la base des collections comme on le ferait sur son PC ou son smartphone, donc c’est trouver et inventer des usages un petit peu originaux, interactifs de cette base des collections. L’open content est le noyau, la base qui apporte les données sur lesquelles ensuite tous les usages vont pouvoir être déclinés » (Entretien avec un directeur de musée)
De même, le crowdsourcing permet de remettre la question du partage et de l’usage au cœur de certains métiers, comme ceux de la conservation qui sont plus éloignés du contact direct avec le public. Comme en témoigne une professionnelle :
« C’est un moyen d’opérer un dialogue renouvelé avec les publics, surtout pour nous qui étions traditionnellement dans des missions de conservation plutôt souterraine, pas les plus médiatisées et nous n’étions pas forcément en lien direct avec les publics. C’est un dialogue à double sens, nous confions des contenus et eux renvoient une matière puisqu’ils contribuent à documenter, identifier, indexer les collections. Ceci est permis par notre portail des collections. » (Intervention d’une cheffe de service d’un musée, journée Wikimédia Culture & numérique, 16 avril 2021)
Les activités de crowdsourcing transforment à la fois le rapport du public aux œuvres et à l’institution en elle-même et le rapport des professionnel∙les aux publics. Ce renouveau du dialogue avec le public pose question sur le type de contributions que cherchent à impliquer l’institution culturelle : cherche-t-elle à se rapprocher des publics habituels qui se rendent au sein de leur établissement ou bien à élargir et diversifier leur public ? Finalement, quels types de publics sont ciblés par l’intermédiaire de ces initiatives et qui y participent ? Car, si les activités de crowdsourcing sont ouvertes à toutes et tous théoriquement, en pratique il existe des barrières à l’entrée de la contribution7. Celles-ci ne sont pas uniquement fondées sur le profil sociologique des participant∙es mais également sur leur capital de connaissances et compétences dans un domaine d’expertise. Par exemple, les activités de transcription peuvent nécessiter des connaissances fines en paléographie – notamment dans la transcription de fragments de manuscrits qui sont dépourvus de tous éléments de contextes. Certaines activités excluent ainsi de facto des publics non spécialistes.
Cependant, le crowdscourcing peut se décliner en une pluralité de types d’activité impliquant des degrés différents d’engagement du public. En fonction des activités proposées, le niveau le niveau d’implication en termes de temps, d’énergie et de compétences ne sera pas nécessairement le même. Ce faisant, ces activités de crowdsourcing ne s’adresseront pas, ne cibleront pas le même type de contributeur∙ices.
En résumé :
Des apports multiples à l’échelle des professionnel∙les et des publics :
– Une simplification des activités administratives liées à la gestion des ventes d’images pour les professionnel∙les.
– Un soutien aux activités de médiation culturelle et de participation des publics.
– Une facilitation des réutilisations académiques et de recherche, pouvant venir en retour alimenter les collections et les expositions des institutions culturelles.
– Des possibilités de réutilisations créatives des contenus mis à disposition, permettant de positionner l’institution comme sources d’inspiration pour des artistes contemporain∙es.
– Le renforcement des activités de création collaboratives (crowdsourcing) : référencement des œuvres par le public, transcription, enrichissement des collections, etc.
– Une augmentation de l’audience en ligne des institutions, permise notamment par l’articulation entre les réseaux sociaux et les images mises à disposition.