Un règlement européen débattu depuis 15 mois...
Depuis le 12 septembre 2018, les institutions européennes discutent de la proposition de la Commission européenne d’un règlement relatif à la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne. Un règlement est un acte juridique de l’Union européenne, obligatoire dans tous ses éléments dès son entrée en vigueur. Il est directement applicable sans aucune mesure de transcription nationale. Ce projet, prévoyant la suppression dans l’heure des contenus signalés comme terroristes, avance lentement en raison des nombreuses questions et risques qu’il pose. Il est très critiqué par Wikimédia France ainsi que par la Fondation Wikimedia. Le projet européen en est au trilogue : la phase de négociation entre les trois institutions de l’Union (Parlement, Commission et Conseil).
4 choses à améliorer au sujet du règlement relatif à la prévention de la diffusion en ligne de contenus à caractère terroriste. cc @datirachida @EvaJoly @Nat_GRIESBECK @sylvieguillaume @bricehortefeux @MCVergiat #TERREG https://t.co/9cGTAJoSfV
— Wikimédia France (@Wikimedia_Fr) April 7, 2019
…voté en 8 minutes en France
Sans attendre la fin des négociations européennes, la France déboule comme un chien dans un jeu de quille. Tout commence au Sénat où le gouvernement propose un amendement pour intégrer cette proposition européenne critiquée à la « loi contre les contenus haineux sur Internet ». Cet amendement ne mérite visiblement pas mieux qu’un exposé des motifs lapidaire d’une phrase. Le terme technique d’amendement de coordination fait sourire lorsqu’on repense à la demande de la Commission européenne de laisser tomber cette proposition de loi afin de ne pas entraver les discussions européennes et faire cavalier seul. La commission des lois émet un avis défavorable et l’amendement est rejeté.
Le gouvernement fait fi des critiques de la Commission européenne en voulant intégrer le retrait dans l'heure des contenus à caractère terroriste ou pédopornographique alors que l'UE en est au trilogue. #TERREG #PPLCyberHaine https://t.co/ffCSZpesZ8 pic.twitter.com/P5x7IIhiUT
— Wikimédia France (@Wikimedia_Fr) December 17, 2019
Ce coup d’épée dans l’eau aurait pu en rester là. Mais c’était sans compter le Ministère de l’Intérieur qui remporte l’arbitrage et impose l’amendement à l’Assemblée nationale. Déposé par le gouvernement le jour même du vote, cet amendement qui fait tant débat au niveau européen est adopté en moins de 10 minutes par l’Assemblée nationale (entre 00:59:30 et 01:08:10 sur la vidéo en ligne).
Aucun débat dans le reste de la société, aucune étude d’impact, voilà qu’une fois promulguée les autorités françaises pourront demander le retrait dans l’heure d’un contenu qualifié de terroriste ou pédopornographique à n’importe quel site Internet, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Les sanctions sont un blocage de l’accès au site web depuis la France via les fournisseurs internet, une peine d’un an de prison et 250 000 euros d’amende pour le représentant légal du site.
Mais soyons rassurés, seules les forces de l’ordre pourront notifier les sites afin d’obtenir le retrait dans l’heure. En France, ce pouvoir revient à l’Office Central de Lutte contre la Criminalité liée aux Technologies de l’Information et de la Communication (OCLCTIC). Cette organisation exempte de tout reproche ne demandera jamais le retrait de documents produits par les autorités américaines, une analyse du Coran ou encore des articles académiques.
Pour aller plus loin, visionnez Confessions of a future terrorist, la présentation d’Anna Mazgal, chargée des Affaires publiques européennes pour Wikimedia Deutschland, lors du Chaos Communication Congress 2019.
